[Foucault-L] Foucault's 1984 lectures at Collège de France is now available in French

hi,

It seems that nobody hasn't mentioned the recent publication of *Le courage
de la vérité: La gouvernement de soi et des autres II - Cours du Collège de
France (1984) *.
Here's the book reviews of *Le Monde* and *Libération*.

Tetz Hakoda

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http://www.lemonde.fr/livres/article/2009/01/22/le-courage-de-la-verite-l-ultime-lecon-de-michel-foucault_1144999_3260.html

"Le courage de la vérité", l'ultime leçon de Michel Foucault
LE MONDE DES LIVRES | 22.01.09 | 11h40 - Mis à jour le 22.01.09 | 11h40

En parlant, il court contre la mort. Cette année 1984, ses cours du Collège
de France n'ont pas commencé en janvier, comme d'habitude. "J'ai été malade,
très malade", indique Michel Foucault le 1er février en ouvrant son cours.
Quand il clôt le cycle, fin mars, il a cette phrase : "Il est trop tard."

En apparence, il signale juste que l'heure a tourné, qu'il faut renoncer aux
développements préparés. Aujourd'hui, nous pouvons entendre la formule
autrement. Ce sont les derniers mots adressés par le philosophe à son
auditoire. Quelques semaines plus tard, il meurt du sida. Il avait 57 ans.

A-t-il délibérément organisé ces ultimes conférences comme un testament ? On
peut le supposer. En tout cas, toute émotion mise à part, le texte est
exceptionnel. Un quart de siècle après, cette parole impressionne encore.
Par sa clarté incisive, par l'ampleur de son information. Par sa capacité,
si rare, à faire surgir des paysages nouveaux au sein de textes connus.

Cette fois, la "vie philosophique", rêvée et pratiquée par les Anciens,
apparaît comme une matrice - lointaine, mais toujours active - de la vie
militante et du désir de révolution qui anime les Modernes. Comment ? Cela
demande explications.

Pour éclairer le long parcours qui conduit de la vie du philosophe antique,
mise en ordre selon la vérité, à celle du révolutionnaire moderne, tendue
vers la transformation de l'Histoire, Michel Foucault repart d'une notion
grecque, déjà explorée par lui l'année précédente : la parrèsia.

Le terme désigne notamment le franc-parler de l'ami, le dire-vrai du
confident, par opposition à la flatterie de l'hypocrite ou du courtisan. La
parrèsia implique le courage de tout dire, au risque de déplaire, voire de
fâcher. Cette franchise hardie, qui s'applique à la conduite de l'existence
la plus intime, possède aussi une importante dimension politique : dire vrai
sur soi-même, accepter aussi d'entendre ce qui n'est pas agréable, cela
concerne aussi bien, pour les Grecs, le gouvernement de la communauté que
celui de l'individu. Le sujet et la Cité se constituent donc en articulant
de manière semblable exigence de vérité, pouvoir sur soi et pouvoir sur les
autres.

Jusque-là, rien de vraiment neuf. En revanche, le cours devient inouï, et
les analyses virtuoses, quand Foucault braque le projecteur sur les
philosophes cyniques. L'adjectif, dans l'Antiquité, n'a rien à voir avec son
sens courant actuel. Dérivé de kunos ("chien", en grec ancien), il signifie
"canin". Les cyniques sont ceux qui - volontairement, exemplairement -
vivent comme des chiens. Dormant à la dure, se dépouillant de tout artifice,
mendiant leur pitance, ne respectant aucun usage de civilité, s'accouplant
en public, invectivant les passants, ces philosophes ont fait scandale,
plusieurs siècles durant.

Foucault s'intéresse à ce scandale, souvent négligé ou minimisé. Son intérêt
ne tient pas simplement à sa fascination pour les "infâmes", provocateurs ou
rebelles. Il discerne, dans la réprobation que suscitent les cyniques, les
termes d'une énigme à résoudre. Pourquoi donc les voit-on d'un si mauvais
oeil, alors qu'ils prennent appui, somme toute, sur le tronc commun des
ambitions philosophiques du monde antique ? Il faut insister, en effet, sur
la banalité de ce que veulent les cyniques, dont le fonds doctrinal ne
brille aucunement par son originalité. Au contraire, leurs objectifs sont
des plus consensuels. Transformer son existence par la philosophie,
s'occuper de soi pour y parvenir, délaisser en conséquence tout ce qui se
révèle inutile, s'exercer à rendre sa vie conforme à ses pensées - tout le
monde, en Grèce ou à Rome, s'accorde sur ces points. Que font donc les
cyniques de si étrange, de si inacceptable, pour être rejetés dans
l'opprobre tout en poursuivant des buts que tous les philosophes, en leur
temps, partagent peu ou prou ?

Ils opèrent un passage à la limite. En poursuivant radicalement, jusqu'à son
terme, le mouvement de la vie philosophique, ils en inversent le sens. Les
cyniques montrent que la "vraie vie", la vie selon la vérité, n'existe qu'au
prix du saccage de moeurs qui nous égarent. Voilà l'exploit qui crée le
scandale : faire entrer en conflit, aux yeux de tous, des principes
unanimement partagés et leur mise en pratique. Avec les principes, nous
sommes tous d'accord. Mais nous faisons l'inverse. Les cyniques exécutent, à
la lettre, ce que nous approuvons, et c'est inacceptable. Sans rien changer
aux buts habituels de la philosophie, ils font apparaître combien, pour les
atteindre, il faut briser les règles et démonétiser les conventions
sociales.

Dans l'histoire de l'Occident, c'est une mutation capitale. Du coup, en
effet, la "vie philosophique", la "vraie vie" (droite, parfaite, souveraine,
vertueuse) se trouve transformée en "vie autre" (pauvre, sale, laide,
déshonorée, humiliée, animale). Foucault met en lumière les multiples
aspects de cette torsion promise à une postérité immense. Même la fonction
souveraine du philosophe se trouve radicalement métamorphosée, au point de
devenir grimaçante. Le cynique est bien le seul vrai roi, qui n'a besoin de
rien ni de personne pour manifester son pouvoir. Mais ce roi est dérisoire -
nu, sale et laid.

Sa fonction suprême ? Exercer le franc-parler envers le genre humain tout
entier. Ce chien aboie, attaque et mord. En guerre contre l'humanité dans
son ensemble au nom du dire-vrai (la parrèsia), il se bat contre soi aussi
bien que contre tous les autres. Ce clochard cosmique invente ceci :
rejoindre la vraie vie implique le chambardement du monde, la rupture
radicale avec ce qui existe. Missionnaire de la vérité, le héros cynique
oeuvre à l'avènement, à terme, d'un monde nouveau.

A partir de là, le programme à suivre se résumerait ainsi : étudier le
passage de cet ascétisme cynique à l'ascétisme chrétien, suivre les
continuités et les transformations de la "vraie vie" en "vie autre", du
"vrai monde" en "autre monde" depuis le Moyen Age chrétien jusqu'aux
révolutionnaires et militants du XIXe siècle.

Dans le cas de Foucault, il était effectivement trop tard pour mettre en
oeuvre un si vaste chantier. Mais il en donne, dans ce cours, mieux que la
simple épure. C'est un vrai livre, foisonnant d'exemples, d'analyses,
d'hypothèses, si débordant de vivacité et de vitalité que quelques lignes
n'en donnent qu'une vue partielle. En fin de compte, ce qu'il y a de bien,
avec l'intelligence, c'est qu'elle ne meurt pas si facilement. La preuve :
elle court encore.

Le courage de la vérité
La gouvernement de soi et des autres II
Cours du Collège de France (1984) de Michel Foucault
Edition établie sous la direction de François Ewald et Alessandro Fontana
par Frédéric Gros,
Seuil/Gallimard "Hautes études", 334 p., 27 €.

Roger-Pol Droit
Article paru dans l'édition du 23.01.09.

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http://www.liberation.fr/livres/0101313885-heurt-de-verite

Livres 22 janv. 11h17
Heurt de vérité
Critique

Philosophie. En 1984, dans son ultime cours au Collège de France, Michel
Foucault explorait les risques du «dire-vrai», des Grecs à nos jours.

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ÉRIC AESCHIMANN

Ça consiste en quoi, une vie de philosophe ? Peut-être en ceci : devant le
public du Collège de France, suivre une intuition, une force qui vous tire,
une question qui vous appelle : «Qu'est-ce que dire la vérité ?» Se saisir
d'une notion grecque, la parrêsia, qui signifie justement «le dire vrai»,
«le franc-parler», et, chaque mercredi matin, pendant trois mois, malgré la
maladie, en étudier la signification dans la philosophie antique. Alors que
la maladie menace, passer d'un texte à l'autre, se laisser porter par le
mouvement même de la recherche, quitte à ce que les cours soient «un petit
peu décousus», comme annoncé d'entrée de jeu. Et, de proche en proche, dans
cette enquête philosophique serrée, en arriver justement au thème de la «vie
philosophique». Une question éminemment intime, subjective, à rebours de la
caricature réduisant Foucault à la «mort du sujet».

Longtemps, Michel Foucault s'est défini comme historien des idées, comme
archéologue des savoirs. De l'Histoire de la folie à celle de la sexualité,
sa démarche est une critique méthodique des savoirs qui se prétendent
«discours de vérité» pour masquer qu'ils sont d'abord des discours de
pouvoir : le savoir scientifique, le savoir médical, le droit… A tel point
que, dans un essai paru l'année dernière, Paul Veyne, qui fut son grand ami
intellectuel, le présente en penseur «sceptique» (1). Le moins que l'on
puisse dire, c'est que son travail sur la parrêsia, engagé au Collège de
France en 1982-83 (2) et dont la suite paraît aujourd'hui, ne va pas dans ce
sens. Foucault y apparaît habité, dévoré, hanté par la question de la
vérité, non comme discours, mais comme acte : dire la vérité.

Noyau vivant. Foucault le rappelle d'emblée : la parrêsia «est d'abord une
notion politique». C'est le citoyen grec qui, sur l'agora, n'a pas peur de
dire ce qu'il pense ; c'est l'ami qui vous dit ce que vous n'aimez pas
entendre ; ou encore le conseiller qui se refuse à flatter le roi, au péril
parfois de sa vie. Certes, il existe d'autres manières de «dire le vrai»,
comme la sagesse, la prophétie ou l'enseignement. Mais ce qui fait le propre
de la parrêsia, c'est le danger qu'elle fait courir. C'est «le courage de la
vérité», qu'on retrouvera dans diverses figures (le fou du roi, par
exemple), mais qui, en tant que tel, en tant que parrêsia, a disparu.
Foucault s'emploie à l'exhumer, à en écouter palpiter le noyau vivant.

Noyau vivant car l'idée de «vie» est le fil rouge de tout le cours. Parce
qu'elle est un acte, la parrêsia va provoquer des effets à la fois sur ceux
à qui elle s'adresse et sur celui qui la pratique. Elle fâche, oui, mais
elle est accès de chacun à sa propre vérité, donc à soi-même. Elle est
«souci de soi». Ce que Foucault montre ici, notamment par sa lecture de
l'Apologie de Socrate, c'est que le souci de soi et le souci des autres sont
l'avers et le revers d'une même exigence, qui est de conduire chacun à sa
propre vérité, à lui-même. Pourquoi Socrate a-t-il dit le vrai aux
Athéniens, au point de risquer la mort ? «Pour les inciter à s'occuper, non
de leur fortune, non de leur réputation, non de leurs honneurs et de leurs
charges, mais d'eux-mêmes, c'est-à-dire : de leur raison, de la vérité et de
leur âme. Ils doivent s'occuper d'eux-mêmes. Cette définition est capitale.»

Malgré l'érudition (Sénèque, Epictète, Dion Chrysostome, les Cyniques…),
l'exercice n'a rien de gratuit. C'est de son monde que Foucault parle. A
travers les murs du Collège de France, on entend les échos d'une actualité
intense où la vérité est une ligne de clivage : Foucault s'est rapproché du
réformisme «deuxième gauche» de la CFDT et entretient des rapports «chien et
chat» avec un pouvoir mitterrandiste en train de s'enfermer dans ses
ambiguïtés ; il a refusé de se laisser prendre à la polémique sur le
«silence des intellectuels» lancée par Max Gallo ; il s'est engagé pour la
Pologne prise sous la chape de plomb du général Jaruzelski ; il parle
désormais publiquement, et avec véhémence, de son homosexualité… Tout cela
travaille en lui, et la restitution du cours à partir des enregistrements
permet de percevoir la tension extrême de sa réflexion. Foucault cherche
quelque chose, reformule son objet, en énumère inlassablement les traits
constitutifs, en trois ou quatre points définis avec méticulosité. Les
énoncés sont répétés, amendés, précisés. D'autres voies sont esquissées :
«Ce serait un autre objet d'étude de…», «La longue histoire qui serait sans
doute à faire de…»

Finalement s'impose le thème de la vie philosophique. Alors, tous les
éléments se mettent en place. Car ce que Foucault découvre, à travers la
figure du philosophe «cynique» (et notamment Diogène, vivant dans son
tonneau, sale, vitupérant ses contemporains, snobant Alexandre venu le
rencontrer…), c'est que la question du «dire-vrai» conduit à celle de la
«vraie vie», c'est-à-dire d'une «vie philosophique». Dans un passage
spectaculaire, il montre que la philosophie occidentale s'est séparée en
deux branches. D'un côté, la philosophie comme simple «connaissance de
l'âme» et de «l'autre monde», objets de la métaphysique, qui aboutira au
XIXe à la figure du professeur de philosophie payé par l'Etat. Et, de
l'autre, la philosophie comme «épreuve de la vie», qu'on va retrouver chez
l'ascète, le moine-mendiant, le militant révolutionnaire du XIXe et jusqu'à
«ce qu'on peut appeler le gauchisme».

«Samouraï». A cette aune, Spinoza, qui refusa d'enseigner et préféra tailler
des verres de vue, aura été le dernier philosophe se mettant à l'épreuve de
la vie ; et Leibniz, son contemporain et son rival, diplomate,
administrateur, homme politique, «le premier des philosophes modernes».
Voilà pourquoi, peut-être, Foucault, qui était bel et bien professeur de
philosophie, fut si longtemps réticent à être présenté comme philosophe.
Mais il trouve chez les cyniques cette idée d'une vie philosophique qui lui
permet de lever l'objection. Dès lors, le philosophe devient «missionnaire
universel du genre humain», «médecin de tous», mais aussi homme du «scandale
de la vérité», «agressif», celui qui va «secouer les gens, les convertir»,
qui veut «changer le monde» plutôt que de rendre les gens heureux. Et là,
comment ne pas y lire l'autoportrait de celui que Paul Veyne décrit comme un
«samouraï» ?

«La valeur de la mort de Socrate est au cœur même de la rationalité
occidentale», note Foucault. C'est même «en cela que la philosophie se
distingue de la science». Le cours s'achève le 28 mars 1984. Il va mourir
trois mois plus tard. Dans sa postface, Frédéric Gros parle d'un «testament
philosophique». On peut aussi parler d'une ultime méditation, qui
proclamerait que philosophe, oui, il l'est, non pas dans le sens d'un savoir
qu'il détiendrait, mais d'une pratique qu'il s'efforcerait de mettre en
œuvre : un style de vie.

(1) Paul Veyne, Foucault. Sa pensée, sa personne. Albin Michel. Lire
Libération du 3 avril 2008.

(2)Le gouvernement de soi et des autres, Cours du Collège de France
1982-1983. Seuil-Gallimard. Lire Libération du 31 janvier 2008.

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